Alors que les tensions entre l’État chinois et Hong Kong augmentent de jour en jour, retour sur ce match de qualification pour la Coupe du Monde de football 1986 qui opposa leurs 2 équipes et qui déclenchera l’incident du 19 mai 1985.
Retour en 1985 : Hong Kong n’est alors pas sous le contrôle de la Chine. Depuis le traité de Nankin en 1842, Hong Kong est une colonie britannique. Ce n’est qu’en 1997 que le territoire sera rétrocédé au chinois.
Néanmoins dès la fin des années 1970, la Chine a déjà à coeur de récupérer les deux importantes zones commerciales que constituent Hong-Kong, détenue par le Royaume-Uni, ainsi que Macao, détenue par le Portugal.
Vers 1978, plusieurs territoires de la Chine connaissent un développement spectaculaire, tandis que la Grande-Bretagne voit difficilement comment préserver Hong Kong dont l’approvisionnement alimentaire dépend en grande partie de la Chine.
Le 19 décembre 1984, la République populaire de Chine et la Grande-Bretagne signent une déclaration commune qui prévoit la rétrocession, le 1er juillet 1997, de Hong Kong et d’autres territoires à la Chine. C’est aussi par ce traité que le principe d’ « 1 pays, 2 systèmes » commencera à être établi. C’est-à-dire que le socialisme pratiqué en Chine ne sera pas étendu à Hong Kong et il bénéficiera d’une très grande autonomie.
Pendant ce temps, la Chine cherche à asseoir sa puissance internationale dans le domaine sportif. Le pays a d’ailleurs fini à la 4ème place des nations lors des Jeux Olympiques 1984 de Los Angeles, avec 32 médailles.
Après son retour sur la scène olympique, la Chine veut également faire son entrée sur le terrain footballistique avec une participation à la Coupe du Monde. Cela s’était joué à un cheveu pour l’édition 1982, après un ultime match d’appui perdu 2-1 contre la Nouvelle Zélande.
Finaliste de la Coupe d’Asie des Nations 1984, la Chine se présente en favorite pour se qualifier au Mondial Mexique 1986.
La Chine roule sur son groupe en écrasant le Brunei et Macao, avec 22 buts inscrits pour 0 concédé.
Toutefois, pour se qualifier pour le Mondial, la Chine doit disputer un dernier match contre Hong-Kong. Les 2 équipes s’étaient déjà rencontrés lors des match aller et n’étaient pas parvenues à se départager au Government Stadium de Hong Kong. Avant l’ultime match, la Chine et Hong-Kong comptent le même nombre de points. Il suffit d’un nul pour que le géant chinois se qualifie.
La Chine part favorite dans ce match couperet puisqu’elle avait battu battu Hong Kong en qualifications pour la Coupe d’Asie 6 mois plus tôt et également 2 fois lors des phases de qualifications pour la Coupe du Monde 1982. La Chine a donc son destin en main.
Toutefois le traité sino-britannique commence déjà à exacerber les tensions entre les deux territoires :
le 5 mai 1985 des combats ont eu lieu entre les équipes de Hong Kong Seiko et celle de la province chinoise du Liaoning.
L’équipe de Hong-Kong se présente dans le Stade des Ouvriers à Pékin avec plus de 80 000 supporters acquis à la cause chinois. Pourtant c’est bien le hongkongais Cheung Chi Tak qui va inscrire le 1er but, grâce à un splendide coup-franc des 30 mètres.
La Chine ne tarde pas à réagir car 11 minutes plus tard c’est Li Hui qui égalise. Alors qu’un nul qualifierait les chinois, le hongkongais Ku Kam Fai va éteindre leurs espoirs à l’heure de jeu. L’équipe chinoise ne parviendra pas à recoller au score et c’est toute la foule du stade qui va s’embraser, humiliée d’avoir été battu par la petite colonie britannique.
C’est ainsi que vont débuter les émeutes du 15 mai 1985, la première émeute provoquée par le football chinois.
Des centaines de voitures brûlés, le bus de l’équipe nationale chinoise renversé… Il faudra l’intervention de la police chinoise pour stopper ces émeutes, l’un des pires incidents de troubles publics que la Chine ait connu à l’époque depuis 1949. Les tensions furent telles que l’équipe chinoise sera confinée pendant trois jours après le match. Quant au président de la Fédération chinoise de football, Li Fenglou, et l’entraîneur de l’équipe nationale, Zeng Zuelin, ils seront contraints de démissionner.
Toutefois, au tour suivant, les héros tomberont face au Japon (défaite 5-1 sur l’ensemble des 2 matchs). Cet épopée reste toutefois la meilleure performance de l’équipe de football de Hong-Kong en qualifications de Coupe du Monde.
Du côté chinois, c’est la douche froide. Il faudra attendre la Mondial 2002 au Japon et en Corée du Sud pour voir la Chine participer à la 1ère Coupe du Monde de son histoire.
Après les événements de 1985, Hong Kong et la Chine se retrouveront sur le terrain footballistique, notamment lors des qualifications de la Coupe du Monde 2018. Les deux confrontations aboutiront à deux matchs nuls et aucune des deux équipes ne parviendra à se qualifier.
Mais aujourd’hui la bataille se joue sur un tout autre terrain, puisque la Chine cherche à reprendre en main Hong Kong, notamment avec la mise en place d’une loi visant à “sauvegarder la sécurité nationale” qui pourrait mettre en péril le statut particulier de Hong Kong.
Jean Obed Sibrun