L’avortement est une arme de guerre contre la grossesse précoce et non désirée en Haïti. Les jeunes filles avortent pour pallier aux problèmes socio-économiques. L’insécurité particulièrement, les actes de kidnappings qui gagnent du terrain dans le pays, des bandes armées séquestrent et violent des jeunes filles, lorsqu’elles tombent enceintes, elles sont obligées de recourir à l’avortement. Une pratique pourtant punie par loi.
En Haïti, les interruptions volontaires de grossesse sont considérées comme dangereuses et mauvaises. L’article 262 du Code pénal haïtien fait de l’avortement un crime passible d’emprisonnement. Cela n’empêche que ce phénomène demeure très répandu dans le pays.
Les avortements clandestins sont réalisés hors du milieu médical, avec des mauvaises méthodes qui occasionnent souvent des complications fatales pour les femmes. Certaines interventions sont parfois menées par des charlatans. Il est à noter que cette situation pousse également certains médecins légitimes à s’occuper clandestinement des femmes qui veulent interrompre leur grossesse, mais dans de meilleurs conditions.
Interrogée à ce sujet, Johanne Gilbert, une jeune étudiante en sciences juridiques, nous fait part de son expérience lorsqu’elle était tombée enceinte à l’âge de 19 ans alors que son petit ami et elle étaient encore au nouveau secondaire II. « Mon père et ma mère travaillaient comme sous-traitants pour payer mes études, un bébé n’aurait pas été le bienvenu. N’étant pas prête à avoir un enfant, je suis allée voir un médecin pour interrompre ma grossesse afin de pouvoir continuer mes études classiques, j’ai hurlé de toutes mes forces lors de l’intervention du médecin, mais je n’avais pas d’autre choix puisque mon rêve était devenu avocate pour défendre les droits des femmes dans notre société », raconte la jeune femme avant d’ajouter que l’avortement peut être considéré comme un outil de lutte contre la pauvreté.
L’avortement est totalement interdit dans une quinzaine de pays dans le monde. Haïti, République dominicaine, Honduras, Nicaragua, Salvador et Suriname sont les 6 pays en Amérique qui interdisent totalement l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Des pays comme Paraguay et Venezuela rendent l’avortement accessible uniquement en cas de danger pour la vie de la mère. En Europe, Pologne interdit les avortements en cas de malformation du fœtus, L’IVG n’est autorisé qu’en cas de viol, d’inceste ou lorsque la vie de la mère est en danger. Le royaume Unis et le Pays-bas donnent accès à ce phénomène jusqu’à 24 semaines. Tandis qu’en septembre 2021 le Texas a interdit l’avortement après 6 semaines.
Johanne estime que ces pays qui interdisent l’interruption volontaire de grossesse, mènent une guerre contre les femmes, ils suppriment leurs droits, elles doivent élever la voix pour dénoncer ces actes. L’étudiante en droit prône une légalisation de l’avortement.
Un médecin de la maternité Chancerelles, le seul hôpital de l’État haïtien spécialisé en gynécologie, qui requiert l’anonymat, nous explique qu’en 2014, la maternité a reçu 48 cas de complications après des avortements clandestins chez des charlatans qui transpercent la matrice des femmes et atteignent parfois l’intestin du patient. De nos jours, les chiffres ont presque doublé. Ces situations auraient pu être évitées si l’avortement avait été dépénalisé, il soutient que la pénalisation de l’avortement viole le droit des femmes à disposer de leur corps.
Ces derniers mois, les femmes sont de plus en plus victimes de l’insécurité que traverse le pays. Des jeunes femmes affirment avoir été violées après avoir été kidnappées par des bandes armés. Selon le témoignage d’une femme, un groupe d’hommes armés est entré chez elle et plusieurs d’entre eux l’ont violée. Ces actes ignobles sont monnaie courante en Haïti, mais beaucoup de victimes préfèrent garder le silence. Ces femmes victimes de viol sont doublement victimes si elles tombent enceintes puisque la législation haïtienne pénalise l’avortement.
Rappelons que le nouveau code pénal publié par décret dans le journal officiel Le Moniteur, le 24 juin 2020, qui devrait entrer en vigueur en juin 2022, prévoit la dépénalisation de l’avortement en cas de viol, d’inceste ou lorsque la santé mentale de la femme est en danger. Selon le nouveau recueil de textes juridiques, l’avortement ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et éclairé de la femme enceinte, avant un délai n’excédant pas 12 semaines.
Soulignons que le nouveau code pénal peut encore être abrogé par le parlement avant son entrée en application.
Anderson CHARLES