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L’istanbul Basaksehir champion de la turquie!

Cette saison, pour la première fois de son histoire, l’Istanbul Başakşehir est devenu champion de Turquie. Un club qui a émergé en 2014, bien aidé par le président turc Recep Tayyip Erdoğan et son parti l’AKP.

Créé en 1990 à l’initiative du maire d’Istanbul Nurettin Sözen, le club se nomme alors « Istanbul Büyükşehir Belediyespor » soit « l’Association des clubs sportifs de la municipalité métropolitaine d’Istanbul ». Il n’est pas rare de voir des liens entre le football et la politique en Turquie.

Depuis le début du XXe siècle, et encore plus depuis les années 1980, les clubs de football sont considérés comme des « associations d’intérêts publics » ou encore de seconde famille.

L’Istanbul Büyükşehir Belediyespor ne jouera que rarement les grands rôles durant les 2 premières décennies de son existence et il ne sera promu en Première Ligue turque qu’en 2007. Tout change à partir de 2014.

Le club est alors racheté à la municipalité d’Istanbul par des proches du parti politique de l’AKP, parti du président turc Recep Tayyip Erdoğan. Des investissements vont progressivement être mis en place pour faire changer le club de stature, notamment avec les recrutements de joueurs confirmés (Adebayor, Emre, Clichy…)

 

Surtout, le club abandonne alors son nom Istanbul Büyükşehir Belediyespor pour Istanbul Başakşehir.

Changement de nom en 2014 dû au déménagement de l’équipe dans le quartier de Başakşehir, un quartier islamo-conservateur crée de toutes pièces dans les années 1990 par le maire d’Istanbul de l’époque, un certain Recep Tayyip Erdoğan. Les liens entre l’AKP, Erdogan et le club ne s’arrêtent pas là puisque l’Istanbul Başakşehir évolue en orange, les couleurs du parti politique.

Par ailleurs le Président turc a enfilé les crampons pour l’inauguration du nouveau stade du club le 26 juillet 2014. A l’issue du match, Erdoğan marquera un triplé et le numéro de son maillot le 12 sera retiré de l’équipe. Une nouvelle occasion pour mettre en avant le passé de footballeur semi-professionnel de l’homme politique. Les liens entre le club et Erdoğan ne s’arrêtent toujours pas puisque le nouveau stade Fatih Terim (du nom de l’illustre entraîneur turc) a été construit par Kalyon Grup, proche du pouvoir et qui pilote la construction d’infrastructures étatiques.

En 2015, le club signe cette fois un accord avec le groupe hospitalier privé Medipol, dirigé par le médecin personnel d’Erdogan, Farhettin Koca. Durant 4 ans, le club se nommera même le Medipol Başakşehir Football Club.

Enfin le président de l’Istanbul Başakşehir n’est autre que Göksel Gümüşdağ, dont la femme est la nièce par alliance d’Erdoğan.

De par ses liens multiples avec le pouvoir politique en place, l’Istanbul Basakeshir est donc clairement un outil du régime, régime qui cherche à fédérer la population autour d’un club à son image.

Toutefois l’AKP et Erdogan investissent dans tous les échelons du football turc.

Cette prise de contrôle progressive du football turc va de pair avec l’ascension politique de l’AKP et d’Erdogan depuis 2010 qui, comme la majorité des responsables politiques avant eux, ont bien compris l’importance du pouvoir fédérateur du ballon rond.

Un événement va pousser le régime d’Erdogan à réformer le football turc : les vagues de manifestations populaires entraînées par le projet de destruction du parc Taksim Gezi à Istanbul en 2013.

La dure répression mise en place par le pouvoir vis-à-vis des manifestants va entraîner de nombreuses protestations dans le pays autour d’autres préoccupations : liberté de la presse, liberté d’expression, l’érosion de la laïcité par le gouvernement Erdoğan.

Au centre des manifestations à Istanbul : une frange des supporters de Besiktas, les Carsi. Ils seront bientôt rejoints par les supporters ultras des deux grands clubs rivaux stambouliotes Galatasaray et Fenerbache pour former l’éphémère mouvement Istanbul United.

Après les manifestations, les stades et les groupes de supporters vont être vu comme des foyers de contestation du pouvoir en place. Un contrôle accru va alors être mis en place, qui aboutira à la création du système de vente de billets électroniques Passolig. Un système décrié vu comme un outil pour collecter des données personnelles sur les supporters.

 

Ces actions mises en place pour limiter le rôle des ultras dans les stades peut être aussi vu comme une tentative du régime de détrôner les 3 grands clubs d’Istanbul (Beşiktaş, Galatasaray, Fenerbahçe) Toutefois ces 3 clubs gardent une relation de proximité avec le pouvoir.

 

Du côté de l’Istanbul Başakşehir, le club peine à fédérer autour de lui.

Alors que les clubs de Besiktas, Galatasaray ou Fenerbahçe ont des affluences les jours de match à plus de 30 000 personnes, l’affluence moyenne de l’IB ne dépasse pas 3 000 personnes. Fédérer la population autour de ce club de football sponsorisé par le régime prendra du temps. Ce dont dispose l’AKP et Erdogan qui bénéficient désormais d’un large soutien du football turc et que la plupart des postes clés sont aux mains de proche du parti politique.

Yildirim Demirören, ancien président du club de Besiktas et proche d’Erdogan, a notamment été président de la Fédération de Football de Turquie pendant 7 ans avant de démissionner en 2019.

 

Outil de légitimation nationale, le football n’en demeure pas moins également un instrument de légitimation international pour Erdogan.

Que cela soit lorsque l’équipe nationale de Turquie montre son soutien au régime via un salut militaire. Ou bien dans l’optique d’organiser une compétition internationale et ainsi mettre les projecteurs sur la Turquie et la politique nationale d’Erdogan.

 

Un pari pour l’instant raté, malgré le projet « 25 stades dans 23 villes », puisque l’Euro 2024 n’a pas été attribué à la Turquie.

 

À voir donc à l’avenir le rôle qu’aura l’Istanbul Başakşehir dans la stratégie d’instrumentalisation du football au service du régime d’Erdogan et l’AKP.

 

Par Jean Obed Sibrun

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